Le temps
Comme c'est un concept bizarre. Je ne sais plus ce que c’est, ni ce que c’est censé représenter. C’est tellement curieux, il est 1 heure 42. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’il fait nuit ? Bon. À part ça, ça ne me fait pas grand-chose. Pour moi, les limites entre le jour et la nuit ne veulent plus dire grand-chose non plus. La journée, je cherche à rattraper ma nuit, et la nuit, j’essaie de m’alléger de ce que j’ai vécu la journée.
Le temps.
Le passé, incessant, insistant, qui ne semble pas vouloir rester tranquille et s’attache à mon présent pour venir m’en saisir. C’est aussi le passé qui vient effrayer toute idée du futur. Le présent aussi — je ne sais plus bien à quoi il fait référence. « Vivre le moment présent », il y a longtemps que je comprenais encore cette phrase. Je le ressentais par moments, cet « instant présent » dont il fallait à tout prix prendre conscience. Mais maintenant, ou plutôt depuis au moins six mois, si ce n’est deux ans, toutes mes journées se ressemblent, pourtant si différentes les unes des autres.Une chose leur donne cette familiarité sans fin dont je ne parviens pas à me défaire : elles me fatiguent toutes. J’ai beau réfléchir, je ne sais pas s’il y a eu une journée qui n’ait pas pris de mon énergie la plus profonde, une nuit où je me serais sentie revitalisée avant le sommeil même. Il y a sans doute eu des journées qui m’ont moins fatiguée que d’autres, certes, j’accorderais au moins cela à la réalité. Mais il suffisait que je pense à demain pour briser cette courte trêve de paix intérieure.
C’est dur à dire, à admettre surtout, mais il me faut être honnête maintenant, tant que m’est accordée cette lucidité temporelle si bien rare que j’en apprécie son exploration écrite : demain est un cauchemar. Et dans un paradoxe tourmentant, je ne peux pourtant pas cesser de penser à demain. J’aimerais pouvoir me mettre au lit un soir sans penser à demain. C’est un souhait. D’une manière très simple et harmonieuse, j’aimerais pouvoir, à la fin d’une soirée, me blottir sous la couverture comme on aime si bien le faire en ces nuits froides d’hiver, tout cela sans penser à demain. Laisser le sommeil m’emporter. Sans guide, sans pause non plus, sans condamner cette régénération physique et, par conséquent, mentale à la fin tragique du réveil le lendemain. Je ne sais pas comment on fait cette chose.
Je ne supporte plus de voir l’heure.
Je ne veux plus.
Je ne veux plus compter mon temps ni ce que j’en fais. J’en ai assez de vivre à travers des chiffres pixelisés. Je veux vivre selon mes envies. Je ne veux plus calculer le temps de trajet entre un point A et un point B, je veux marcher en regardant les rues, en lisant les panneaux et en demandant mon chemin aux passants. Je ne supporte plus de tenir mon téléphone dans la main quand je marche. Cette idée de devoir tout savoir, cette dépendance au savoir matérialisée par la technologie. Ça a fini par me dégoûter, en plus de me dérouter.
J'ai une peur énorme à chaque fois qu'on me demande ce que je ferai demain. C'est affreux. Je réponds souvent que " je ne sais pas", surtout quand ce sont des jours " vides " où, en principe, j'ai du temps libre. C'est faux. Au moment même où l'on pourrait avoir la maladresse de me demander, j'ai déjà une liste sans priorité qui s'écroule sur mon esprit, des choses à faire, des tâches, des plaisirs repoussés. Souvent d'ailleurs, il suffit de me demander une seconde fois et je réponds une seconde fois par un déroulé qui n'a aucun sens de la priorité, le visage dépité et l'amertume d'un demain encore planifié. Je remplis mes journées pour les remplir. Je ne sais pas si demain s'est déjà fait sentir léger.Je ferai le deuil de cet " instant présent" que j'attendais tant avant de dormir, demain, que j'essaierai sans vraiment me convaincre de repousser, jusqu'à minuit. J'attends toujours minuit. Peut-être que je pense naïvement que les chiffres ont quelque chose à voir avec le temps et qu'ils symbolisent plus qu'une heure passée. Peut-être que zéro veut dire qu'il ne me reste plus rien à faire. "Game over - on recommence. Plus les heures passent, et donc plus les chiffres grandissent, plus mon corps s'écroule sous cette maudite "tâche", sous les plans, sous demain, sous un présent qui s'alourdit en besoins.
Je dis aussi souvent que je n’ai pas le temps. Alors que, de facto, j’en ai. Je le donne à tout sauf à ma vie. Sauf à moi. Mon quotidien se résume en une contradiction sans fin entre faire pour demain et planifier le jour d’après. Je ne vis pas, je vis demain.
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(épilogue généré par l'IA)
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